Cameroun : Top 5 des directeurs généraux les mieux payés en 2023
S’appuyant sur des données issues d’institutions publiques, le Pr Viviane Ondoua Biwole révèle dans un rapport que cinq directeurs généraux d’entreprises et établissements publics au Cameroun ont chacun perçu un salaire total de près d’un milliard de Fcfa entre 2020 et 2024, exclusion faite de certains avantages et autres primes, soit en moyenne plus de 14 millions de Fcfa chaque mois.
En effet, la rémunération des managers publics camerounais fait l’objet d’une dissection par l’économiste Viviane Ondoua Biwole dans un rapport intitulé « Combien l’État mobilise-t-il pour la rémunération des dirigeants des entités publiques ». Largement inspiré des données de la Chambre des Comptes de Cour Suprême et de l’ex-Commission technique de réhabilitation des entreprises publiques et parapubliques (CTR), ce document où l’on retrouve la catégorisation des toutes les entités publiques, permet de découvrir la grille salariale des dirigeants sociaux des entreprises publiques.
Dans le top 5 des 37 entreprises publiques, la palme d’or revient à la Société nationale des hydrocarbures (SNH), la compagnie nationale d’aluminium (Alucam) -bien qu’ayant régressé dans la 2ème catégorie-, la Société de développement du coton (Sodecoton), Camtel et la Société nationale de raffinage (Sonara). Regroupés au sein de la première catégorie, ces dirigeants perçoivent tous, à quelques disparités près, un salaire mensuel de 6 millions de Fcfa.
Ils perçoivent ensuite quatre allocations mensuelles dédiées respectivement à l’achat de carburant pour le véhicule de fonction, les factures d’eau et d’électricité, les frais de téléphone et la prise en charge des salaires des domestiques plafonnée à 750 000 Fcfa par rubrique.
Indemnités
L’Etat leur verse également trois indemnités dont celles de logement d’un montant de 1,5 million par mois ; de responsabilité de 1,2 million et de représentation de 857 mille Fcfa et les frais d’hôtel particulier de 01 million de Fcfa par mois. Ce qui fait un total de 13,557 millions de Fcfa par mois chacun, pour les managers de cette catégorie. Ces derniers bénéficient aussi d’avantages tels des véhicules de fonction, les agents de sécurité, la prime d’ameublement de 12 millions de Fcfa, l’indemnité de congé annuel de 6 millions de Fcfa ; la prise en charge pour évacuation sanitaire, une prime de fin mandat de 12 millions de Fcfa, des frais de missions et d’une prime de résultat non dévoilée.
Les patrons de ces entreprises du groupe I où l’on retrouve les entreprises et les établissements publics qui produisent plus de 100 milliards de chiffre d’affaires, ont cependant consolidé, à l’exception d’Alucam, leurs positions dans cette catégorie. Ainsi, CamteL, Sodecoton, Snh et Sonara ont toutes consolidé leurs places à la 1ère catégorie en réalisant des performances remarquables.
Performances
Dans les autres catégories, le rapport qui mentionne que l’Etat a payé un total de 48, 443 446 620 milliards de FCFA en termes de salaires aux dirigeants (PCA, DG et DGA) entre 2020-2024 soit environ 25 milliards pour les entreprises publiques, et 23 milliards pour les établissements publics, note que trois entreprises publiques ont amélioré leurs performances sur la période. Il s’agit de la Sonatrel, passée de la catégorie 5 à la 2ème; le Port autonome de Douala, de la catégorie 3ème catégorie à la 2ème ; EDC, de la 4ème à la 3ème catégorie. 21 d’entre elles ont stagné dans les catégories 2, 3, 4 et 5.
S’agissant particulièrement de la Sonatrel, entreprise publique du transport de l’électricité, selon les données compilées dans le rapport 2021 sur la situation des entreprises publiques publié par la Commission technique de réhabilitation des entreprises du secteur public et parapublic (CTR), la société a réalisé un bénéfice de 2,6 milliards de Fcfa.
Cette performance, souligne la CTR, intervient dans un contexte marqué par une augmentation des créances clients de plus de 70%, qui se justifie par le non-paiement des factures émises par la société. Dans le détail, au 31 décembre 2021, sur 228,79 milliards de FCFA, seul un montant de 42,19 milliards de Fcfa a été recouvré auprès de la société Eneo, dont 9,9 milliards de Fcfa en 2021 avec le concours de l’État, notamment dans le cadre du mécanisme de compensation tarifaire. Ce qui lui a valu ce bond de la 5ème catégorie à la 2ème en seulement six ans (elle a été créée le 8 octobre 2015).
Prime à la contreperformance
Sur la période 2020-2024, six entreprises publiques ont régressé. Cette contreperformance a coûté à l’État la somme de 4,593 milliards de Fcfa en termes de masse salariale. Il s’agit de Camair-Co, Alucam, Cicam, le Crédit foncier du Cameroun, le Chantier naval et industriel du Cameroun et Pamol, entreprise agro-industrielle publique située dans le Sud-Ouest camerounais, et qui a perdu 83,9% de son chiffre d’affaires sur la période 2016-2018 (années chaudes de la crise sécuritaire dans cette région) selon le rapport 2020 de la CTR.
Pour le cas de Camair-Co, la compagnie nationale de transport aérien, d’après les données compilées par la CTR, la situation financière de l’entreprise « demeure préoccupante. Camair-co a affiché en effet des pertes de 13 milliards en 2022, bien qu’elles se soient améliorées de 6% en 2023. Les capitaux propres de l’entreprise sont passés de -118 milliards 2021 à -44 milliards en 2022.
Pour le Chantier naval et industriel du Cameroun, la compagnie qui était autrefois l’un des fleurons de l’industrie du Cameroun est aujourd’hui engluée dans de lourdes difficultés financières depuis plus de 10 ans. Le chiffre d’affaires de l’entreprise est passé de 30 milliards de F CFA à 6 milliards de F CFA en 2010 puis à 3 milliards de F CFA en 2013. Son quotidien est animé de grèves du personnel à n’en plus finir, des lourdes dettes sociales et fiscales.
Dans le lot des entreprises stagnantes, l’on compte 14 dans les groupes 4 et 5 ; celles-ci n’ont enregistré aucun mouvement vers des catégories supérieures. Il s’agit entre autres du Labogenie, Sopecam, Anafor, Campost, Cpe, Hydro-Mekin, Maetur, Magzi, Midepecam, Matgenie, Sodepa, Src, Semry et la SNI. Ces entreprises ont maintenu leur classement avec une masse salariale cumulée de 7, 377 milliards de Fcfa, versée à leurs dirigeants pendant la période sous revue. D’autres entités en stagnation se recrutant dans les catégories 2 et 3. L’on y retrouve la CDC, les ADC, Camwater, le Port autonome de Kribi et la Scdp. Au cours de la période 2020-2024, la masse salariale versée aux dirigeants de ces entités de 2020 à 2024 s’élève à 4, 213 milliards de Fcfa.
Valeur ajoutée
Dans ce rapport, le professeur Viviane Ondoua Biwole, s’inspirant des données de la Chambre des Comptes de la Suprême, de l’ex-Commission technique de réhabilitation des entreprises publiques et parapubliques, des rapports des commissaires aux comptes de ces sociétés, illustre les déperditions financières qu’enregistre l’Etat du fait des contreperformances de certaines entités publiques. Ainsi par exemple, sur les plus de 48 milliards dépensés pour les salaires des dirigeants des entités publiques sur les 05 dernières années, 23 milliards de Fcfa ont été payés aux DG des établissements publics.
Seulement, note le rapport, des dirigeants d’établissements publics en stagnation et en régression « coûtent plus chers à l’État sans véritablement produire la valeur substantielle attendue ; soit un montant global de plus de 20,850 milliards de FCFA contre 1,034 Fcfa pour les dirigeants dont l’action permet de créer de la valeur ajoutée ».
Parmi ces derniers, dans le big five des 75 managers publics les moins bien rémunérés, l’on retrouve ceux des établissements publics administratifs de la 5ème catégorie. Ainsi, dans cette catégorie, la palme d’or revient aux DG de l’Office national du cacao et du café (Oncc), du Palais des Congrès, de la South West development authority (Soweda), de la Upper Noun development valley authority (Undva) et de l’Unité de traitements agricoles par voie aérienne (Utava).
Salaires improductifs
Regroupés au sein de la 5ème catégorie, ces dirigeants perçoivent tous un salaire de base mensuel d’1 million de Fcfa. Comme l’ensemble des dirigeants d’entreprises publiques, ils perçoivent également quatre allocations mensuelles pour l’achat de carburant, les factures d’eau et d’électricité, les frais de téléphone et les salaires des domestiques. Ces rubriques sont plafonnées à 125 000 Fcfa.
Trois indemnités, de logement, de représentation et de responsabilité, complètent le traitement de cette catégorie de dirigeants. Elles sont respectivement de 250 mille Fcfa, 142 857 Fcfa et de 200 mille Fcfa. Ce qui fait un total de 2,342 millions de Fcfa par mois chacun. Ces derniers bénéficient aussi d’avantages tels des véhicules de fonction, les agents de sécurité, la prime d’ameublement de 02 millions de Fcfa, l’indemnité de congé annuel d’1million de Fcfa ; la prise en charge pour évacuation sanitaire, une prime de fin mandat de 2 millions de Fcfa ainsi que des frais de missions et d’une prime de résultat.
Ces établissements publics, au nombre de 59 au total, font partie de la catégorie de ceux qui, sur les cinq dernières années, soit de 2020 à 2024, n’ont enregistré aucun mouvement vers des catégories supérieures, maintenant leur classement avec une masse salariale cumulée de 16,520 milliards de Fcfa versée à leurs dirigeants. Parmi eux, l’on compte le PCA ayant l’une des anciennetés au poste les plus logues : 32 ans.
Source : Eco matin